Les causeries de France Gelbert

Diane de Poitiers (1499 - 1566)

On raconte qu'une devineresse, penchée sur le berceau de l'enfant Diane, y aurait découvert son incroyable destin...

Pour illustrer son propos, l'historien Philippe Erlanger met en page de garde de sa biographie de Diane de Poitiers, deux annotations contradictoires, l'une de Joachim du Bellay contemporain de l'illustre dame :
- Diane nous a fait entre nous comme un miracle apparaître!
L'autre, de Claude de L'Aubespine :

- Ces deux seuls ( Diane et le cardinal de Lorraine ) ont été les flammèches de nos malheurs!

Je pencherais plutôt pour le second trait, car il s'agit d'une femme qui a su attiser l'amour d'un homme beaucoup plus jeune qu'elle avec, pour seul but, le pouvoir. Une femme dure et vénale qui ne doit attirer ni affection, ni estime...

Diane de Poitiers naquit à la fin de ce que nous appelons le Moyen- Age, début d'une ère nouvelle, témoin de bouleversements spirituels et techniques et...de la découverte du Nouveau Monde.
Diane est en bonne compagnie. Charles-Quint naquit aussi avec ce siècle semé, certes, de désastres, mais aussi de quêtes spirituelles, siècle d'Erasme, de Guillaume de Budé. Siècle appelé Renaissance parce qu'il cherche un peu confusément à s'affirmer comme une renaissance de la civilisation.
La France d'alors est en retard par rapport à l'Allemagne et à l'Italie, terre d'origine de la diplomatie, du mercantilisme et mère des Arts. L'Italie est une révélation pour les rois de France qui seront irrésistiblement attirés par elle : Charles VIII (+1498), Louis XII (+1515), François Ier (+1547). Les souverains français vont importer la beauté et l'art découverts au delà des Alpes. Art italien plus art français transforment de sombres et tristes forteresses défensives médiévales en palais lumineux. Paris va devenir capitale de la France, Fontainebleau sera remanié.
Chambord, Chenonceau deviendront les joyaux de la Renaissance française.

Cette époque sera celle de violents contrastes : humanisme contre sorcellerie ou intolérance.
On peut penser que l'enfant Diane fut à jamais marquée et, depuis toujours, destinée à devenir la déesse païenne de cette nouvelle ère.

Cette heureuse naissance se passe dans un château appartenant à son père. Toute jeune, Diane est initiée à la chasse et court le cerf... masquée, afin de sauvegarder son teint. Dans ce but, elle prend l'habitude de se plonger chaque matin dans un bain froid, régime qu'elle suivra toute sa vie.

Diane passe ses premières années auprès de Madame de Beaujeu , princesse sévère, chaste comme une cathédrale, dit-on, implacable et sans scrupule. L'aînée de France, c'est ainsi que l'on appelle Madame de Beaujeu, va beaucoup influencer sa jeune compagne.

Pendant ce temps, les événements se succèdent à la cour. On fiance Claude de France, fille de Louis XII à l'héritier d'Autriche et des Pays-Bas, Charles . Puis, sur les instances de son peuple, le roi décide de lui donner comme époux, François d'Angoulême qui a pour mère, une femme redoutable, la célèbre Louise de Savoie. Ce mariage se fera contre l'avis de la reine Anne de Bretagne qui se meurt à trente sept ans (!), épuisée par tant de grossesses inutiles .
Oubliant les objections de la malheureuse reine Anne, sa fille Claude épouse le superbe François (deux mètres de haut!) et ce n'est pas tout : Louis XII, veuf déchaîné, convole avec une jouvencelle d'Angleterre, Marie, soeur d'Henry VIII Tudor.
Bien entendu, François ne saurait rester insensible à cette jeunesse et lui fait la cour. Louise de Savoie, très inquiète, fera tout pour éloigner son César de la couche de la reine sinon... le trône de France pourrait bien lui échapper! Louis XII, épuisé, mourra six semaines après ses noces! Et César monte sur le trône de France!

A l'avènement de François Ier, en 1515, la cour change d'apparence : austérité, morosité sont balayées et laissent la place à la splendeur inspirée par Madame d'Angoulême jeune femme de trente-sept ans! Le roi en a vingt, la reine, quinze.
François Ier règne sur une cour ornée de roses dont une des plus belles est Diane de Poitiers qui a le même âge que la reine et sera mariée au grand sénéchal de Normandie Louis de Brézé , petit-fils par la main gauche d'un roi de France. Le sénéchal a cinquante-six ans, âge très avancé pour l'époque! La présence du sang Valois fait certainement passer l'illégitimité de la naissance de l'aïeul et donne le sourire à la toute jeune épousée qui mènera, près de son époux, une vie conjugale sereine et... exemplaire!
Le grand sénéchal en fait une femme froide, ignorante des passions amoureuses, rapace, calculatrice. Le mécène qu'elle va devenir ne pourra jamais renier la procédurière avide.
Une question se pose. Pourquoi ce grand amateur de femmes qu'était François Ier, n'a-t-il pas tenté l'assaut de Madame de Brézé? Peut- être le caractère et le tempérament de Diane ont-ils tenu à distance le roi de France?

En 1518, la sénéchale assistera, digne, aux noces de Madeleine de La Tour d'Auvergne et de Laurent de Médicis, et pleurera un peu plus tard sur la petite orpheline qu'ils laissent, une petite fille appelée Catherine. Un mois auparavant, était né celui qui sera l'événement de la vie de Diane: Henri, second fils de France. Ainsi, en sa vingtième année, Diane est témoin de tout ce qui va bouleverser son existence.

La gloire de sa famille va trébucher lorsque son père Saint-Vallier, arrêté pour trahison, va mettre en péril l'honneur du clan. Tous les siens vont réagir et implorer la clémence royale. Le souverain pardonnera, mais au dernier moment...
D'après l'historien du XIXe siècle, Michelet, François Ier, peut-être impressionné par la grâce et les larmes de la jeune femme, aurait-il alors succombé au charme de la belle Diane. Cette dernière s'offrant pour sauver la tête grise de son père. Il existerait des volumes de lettres écrites par Françoise de Chateaubriand qui était la maîtresse du roi de France à l'époque.

En l'an de grâce 1524, Diane pleure la reine Claude, pauvrette restée en nos mémoires grâce à une prune qui porte son nom! Il s'agit de cette princesse qui a hérité le duché de Bretagne du chef de sa mère Anne de Bretagne, duché légué à son fils aîné et dauphin François (+ 1536)

Après la mort de la reine Claude, Diane retourne en ses domaines normands où elle apprendra le désastre de Pavie et l'emprisonnement du roi en Espagne, mais se réjouit de la dureté avec laquelle elle voit frapper les disciples de Luther :
- Les humanistes, dit-elle, ne peuvent accepter une doctrine qui n'aime guère l'Art, l'Antiquité...
Elle soutient Madame (Louise de Savoie) dans ses convictions. Rigueur que ne partagent ni François Ier ni la Marguerite des Marguerites, soeur du roi.

François quant à lui, du fond de sa prison madrilène, signe un traité qu'il sait ne jamais pouvoir tenir, accepte l'échange de son auguste personne contre ses deux fils aînés : François le dauphin et Henri. Le hasard fera que la dernière personne à prendre la main du taciturne Henri et lui donner le baiser d'adieu, sera la grande sénéchale! Soyons un brin romanesque et imaginons que l'enfant de sept ans n'oubliera jamais le baiser et le sourire de la dame!

Le roi de France, désinvolte et triomphant de sa liberté retrouvée, sa gloire toutefois un peu ternie, prend une nouvelle maîtresse, Anne de Pisseleu. Et cela va durer vingt ans...
Charles-Quint, s'apercevant qu'il a été dupé, se venge en infligeant une détention sévère aux jeunes princes dont ils sortiront, surtout Henri, très marqués moralement, donc prêts, dans les années à venir, à subir la domination d'une forte personnalité, celle de la sénéchale par exemple!

Dès le retour du prince, monnayé chèrement par le roi qui épouse du même coup la soeur du geôlier, Eléonore d'Autriche, Henri sera le paladin de Diane et ce, jusqu'à sa mort. Il a onze ans, elle en a trente et un et, le jour des noces royales, sera élue publiquement par le jeune Henri, sa dame. Ce jour là, l'enfant abaissa devant elle son étendard en signe d'allégeance.
Cet enfant, alors duc d'Orléans, affiche déjà son admiration d'homme pour cette femme que l'on dit mêlée à des intrigues passionnelles, notamment avec Clément Marot. Il est pourtant difficile d'imaginer cette statue inébranlable de la vertu promettant des jours heureux à un poète crotté qui est, pour elle, suppôt de Satan!

Peu après l'hommage public du prince à sa dame, il faut penser à le marier... François Ier, homme aux étonnantes alliances , va se rapprocher de Rome et du mirage italien, fiançant son fils cadet à une nièce du pape. Il s'agit de cette petite orpheline Catherine de Médicis! Union considérée par beaucoup comme une terrible mésalliance. Catherine sera traitée de fille de marchand par la cour et il s'agit d'un vrai marchandage, car le roi de France tente de s'approprier Milan et le duché d'Urbin. Les tractations seront fort longues, le duc de Brézé n'en vit pas la fin et disparaît de la vie de Diane. Voici la grande sénéchale veuve, une toute jeune veuve qui, désormais, ne s'habillera plus qu'en noir et blanc, couleurs qui deviendront plus tard celles du roi Henri II.
Il est facile d'imaginer Diane, olympienne en ses atours à la fois austères et provocants, auprès de la rieuse et fraîche Anne d'Heilly, à présent duchesse d'Etampes. Ces deux femmes sont rivales sans nul doute, la plus jeune appelle son aînée, la Vieille, ce qui lui vaudra, plus tard, des représailles sévères de la part de la Vieille Diane de Poitiers.
Pour le moment, la sénéchale marche à grands pas vers un but connu d'elle seule: le Pouvoir...
Elle a décidé de guider, avec la bénédiction royale, les premiers pas du chevalier Henri sur les chemins de l'amour platonique!

Mais le mariage avec la marchande va se faire, consommé presque sous les yeux du pape Clément VII. Dès cet instant, la duchessina voue un amour sans partage à son époux princier.
Catherine fera tout pour lui plaire, le séduire. Elle s'adonne à la chasse, lance une nouvelle façon de monter à cheval. Désormais, les femmes ne s'assiéront plus les deux jambes du même côté du cheval, les pieds posés sur une sorte de planchette. La mode italienne a décidé que les dames passeraient la jambe droite par dessus un arçon et seraient ainsi bien plus élégantes! Cela s'appelle monter en amazone!
Plus encore, elle est cultivée, connaît le latin, le grec, les mathématiques... Mais rien, rien ne déride le triste Henri qui a déjà donné son coeur, paraît-il. Madame de Brézé se réjouit!

François Ier voudrait amener le pape Médicis à une réforme de l'Eglise et, comme souvent, prône la tolérance. La grande sénéchale, elle, est pour la rigueur contre les protestants .

Le pape Clément meurt en 1534 et c'est la fameuse affaire des placards. Affichage contre les dogmes, la messe... sur la porte même de la chambre du roi! Cette fois, François Ier est obligé de réagir et la guerre est là, présente pour des générations d'hommes de bonne volonté, hélas!

Le roi de France, désavoué par ses pairs, en lutte contre l'empereur, est frappé dans sa famille. A Tournon, le dauphin François meurt à dix-neuf ans! Disparition qui porte Henri de France et Catherine de Médicis si près du trône que Diane de Poitiers s'illumine de triomphe. Voici un prince plein de vigueur, adroit aux exercices physiques, mais très influençable. Notamment par une grande dame, si elle veut s'en donner la peine! Il s'agit évidemment d'une aventure périlleuse!
La dame a trente-sept ans, exceptionnellement belle certes, mais... aller s'abandonner à un adolescent de dix-sept ans! Diane de Poitiers se pose des questions et décide que sa défaite sera réfléchie.

La galante va transformer le dauphin en conquérant victorieux à Ecouen, résidence des Montmorency. Désormais, le prince ne se vêtira qu'en noir et blanc, se battra sous ces couleurs. Sont emmêlées également, de façon subtile, leurs initiales. Un jeu raffiné, car le H d'Henri est-il accolé à un C (de Catherine) ou à un D (de Diane)? Question amusante!

En tout cas, Madame de Brézé gouverne le dauphin et peut-être bientôt la France! Elle va plus loin, influence le roi, le pousse à faire la paix avec l'empereur, veut le séparer du Turc...

Le prince n'est pas ennemi de plaisirs plus communs et aura une liaison avec une jeune femme dont il aura une fille bâtarde, curieusement prénommée Diane!
Apprenant cette naissance, la cour se déchaîne contre la dauphine Catherine toujours incapable de donner un héritier à la Maison de France! Elle est pourtant mariée depuis cinq ans!
Une chose inouïe se passe alors, la maîtresse abreuve de conseils la jeune épousée! Madame de Brézé préfère cette italienne fort peu intelligente et peu ambitieuse, pense-t-elle, à une nouvelle arrivante vive et autoritaire! Catherine lui obéira en tout, lui servira même d'espionne, mais accumule une rancoeur et une haine qui se manifesteront un jour!

Diane inspire au dauphin une façon de vivre proche de la cour de Madrid, austère, rigide, s'opposant à la frivolité de celle qui entoure le roi. Ce roi qui, atteint depuis son adolescence, d'un mal de secrète nature , approche de sa fin.

Diane admire l'empereur Charles de Habsbourg qui, à quarante ans, est peut-être chétif mais maître d'un immense empire. Cet homme est persuadé être investi d'une mission divine dont le but serait la création d'un Empire Chrétien . A sa façon, il s'efforcera d'entretenir le dialogue avec les réformés.

Vingt années durant, la Sénéchale va régner sur le prince puis roi Henri et rester, à ses yeux, une déesse. En fait, elle paraît immuable et insouciante des années qui passent. Elle exige de son amant la plus grande discrétion, mais peut-être a-t-elle souffert de ce changement survenu dans sa vie... être descendue au rang de favorite!

Pour le moment, elle s'inquiète de la stérilité de la dauphine qui se meurt d'amour pour cet Henri si inférieur à elle par l'intelligence mais supérieur par la naissance. La Florentine se tourne, pense-t- elle, vers tout ce qui peut l'aider: astrologues, sorciers. Elle évite de voyager à dos de mulet, animal infécond comme chacun sait! Diane connaît une meilleure thérapie: elle expédie chaque soir le prince dans l'alcôve conjugale!
Enfin, enfin, le 19 janvier 1544, Catherine met au monde un fils, François. Désormais, elle donnera chaque année un enfant à son époux. Madame de Brézé triomphe et, sûre d'elle à présent, se charge de l'éducation des enfants de France. Elle rappelle les époques où des épouses mettaient les concubines de leur choix dans le lit des patriarches. Ah! les femmes!

Les deux rivales que sont Madame de Brézé et la duchesse d'Etampes se haïssent à tel point que lorsque l'on vient à soupçonner la favorite du roi de trahir son pays au profit de l'empereur, on peut penser que ces bruits perfides ont été répandus par la grande sénéchale.

Le roi prend ses décisions sans demander l'avis de son fils qui, parfois, montrant une énergie qui ne lui est pas naturelle, se rebiffe. François Ier n'osera jamais jeter dehors Madame de Brézé ni encourir les suites que pourrait avoir une rébellion de son héritier. Diane brave le monarque et lui fait courber la tête!

Toujours fine et rusée, elle prévoit la montée des Guise, prévoit, comme Charles-Quint, les changements dus au successeur du roi de France. Chacun de ces deux illustres personnages doit s'arranger avec les nouveaux venus sur la scène politique.
L'empereur pris dans ses inextricables affaires allemandes, fait espionner le dauphin qui, nous rapporte l'ambassadeur de Venise: - n'est guère porté sur les femmes, la sienne lui suffit...Pour la conversation, il s'en tient à celle de la grande sénéchale, âgée de quarante-huit ans!
Tout le monde est dupé, le doute subsistera longtemps sur les relations existant entre le prince et Madame de Brézé. Henri de France est devenu un vrai dissimulateur, il est à bonne école...

Lui et son frère cadet vont effectuer un périple à travers le royaume au cours duquel le tout jeune prince Charles d'Orléans expirera sans raison apparente. Evidemment, les soupçons vont effleurer Madame de Brézé. Cela pourrait faire partie de la marche triomphale vers le pouvoir!
Apparaissent alors deux coteries rivales qui s'affrontent jusqu'à la mort. L'une menée par Diane de Poitiers, l'autre, par Anne, duchesse d'Etampes. Le roi assiste, affaibli et impuissant à ce déploiement de haine, il essaiera de calmer les esprits, mais se sent épié, surveillé sans relâche par celle qui attend tous les jours... sa disparition.

Ce moment tant attendu arrive enfin le 31 mars 1547, trois mois après Henry VIII d'Angleterre! François Ier va essayer de se rapprocher de son fils dans les tous derniers instants de sa vie, mais pense, heureusement... à renvoyer la duchesse d'Etampes loin de la cour. En effet, le roi disparu, le pire est à craindre!


Et voici Diane de Poitiers au faîte de cette gloire tant convoitée.
Oh! elle ne sera pas la favorite scandaleuse que l'on a vue et verra auprès des monarques. Elle est Madame (avant elle, ont été ainsi appelées Anne de Beaujeu, Louise de Savoie, gouvernantes du royaume!). La nouvelle Madame dévoilera très vite un autre aspect peu sympathique de son caractère: l'avidité, la cupidité.
Pour l'heure, elle se rue à la chasse aux sorcières: les anciens serviteurs du défunt roi vont se retrouver en exil ou en prison. Montmorency, celui qu'Henri II appelle «son père», a tous les pouvoirs, contrebalancé par les Guise amenés par Diane jalouse de la toute puissance du connétable auprès du nouveau souverain. Tout ce monde s'entre-déchire pour des revenus d'abbayes, des charges fructueuses... le pouvoir!
Celle qui va le plus rapidement s'enrichir des dépouilles du roi- chevalier est la fastueuse Diane, elle ose s'approprier les joyaux de la couronne.
Un exemple simplet, Diane perçoit les sommes provenant de la taxe sur les cloches. Et Rabelais aussitôt de ricaner:
- Le roi avait pendu les campanes au col de sa jument ...

La voici propriétaire d'autres terres encore. Philibert de l'Orme construit pour elle Anet et Jean Goujon le décore. Ne pas oublier la perle, le joyau, Chenonceau, qu'elle n'obtint d'ailleurs qu'après maintes tractations malhonnêtes. Chenonceau payé bien sûr avec l'argent du Trésor! Trésor dont elle finira par prendre le contrôle par personne interposée. Ah! rien n'est nouveau sous notre ciel!

La cour se revêt d'habits hypocrites: Madame, en effet, décide de supprimer les bals et autres danceries. Point de dames d'honneur, la reine se contente de quatre suivantes sérieuses et austères. Tout cela rappelle beaucoup la cour d'Espagne, la vertu semble triompher sous les traits de la pécheresse en noir et blanc!

Deux hommes vont se battre pour l'honneur. L'un représentant la sénéchale, l'autre, la dernière maîtresse du roi disparu, la duchesse d'Etampes à présent exilée: il s'agit de La Châtaigneraie et Jarnac. Diane de Poitiers pense triompher une fois encore dans ce complot à mort mais, contre toute attente, le fameux coup de Jarnac resté dans nos mémoires (jarret tranché!) mit fin à la lutte et porte rude atteinte à l'orgueil de la dame!

Elle se rattrape le jour du sacre où Henri II paraît revêtu d'un manteau dont les broderies reproduisent le fameux HD, affichant son amante de cette façon, car il n'y aura jamais de démonstration publique. Diane ne l'aurait pas supporté!
Il nous reste les lettres d'un roi amoureux fou, mais aucun écrit de la favorite. La jeune reine Catherine, la banquière qui a rampé jusqu'au trône, se contente des nuits passées près d'un époux expédié par sa maîtresse, et doit, durant le jour, faire bonne figure à l'ennemie exécrée qui règne à la fois sur le roi et le royaume de France.

Catherine aura, malgré tout, sa cour. Elle enrôle son fameux escadron volant. Ses appartements deviennent le lieu de rencontre du charme, de la gaieté, de la jeunesse, de la beauté.
La beauté se retrouve aussi autour de la favorite qui s'entoure de grands artistes et transforme l'environnement du roi. Diane est à l'origine de la conciliation entre le génie italien importé chez nous et l'art français. Elle protège le Primatice, nomme Philibert de l'Orme surintendant des bâtiments royaux. Des temples glorifiant sa beauté, arborant le chiffre HD, seront construits.
Ces deux lettres de l'alphabet sont vraiment une énigme... Il pourrait s'agir du C de Catherine évidemment, mais, d'après de nombreux historiens, le chiffre de Chenonceau est différent de celui du cabinet de la reine à Blois. Là, lorsque le C se mêle au H, il le domine et le dépasse de part et d'autre. Enfin, tout ceci n'est rien d'autre qu'un détail!

On retrouve, en tout cas, une ressemblance frappante entre les statues de Dianes chasseresses ou Vénus et la grande sénéchale. Tout ce qu'elle touche ou tout ce qui la touche, est beau. Un exemple étonnant: la coupe modelée sur son sein, coupe dans laquelle boit Henri II. Comment ne serait-il pas envoûté?

Le roi Henri II n'aura pas été un mauvais souverain, pas très intelligent certes, mais appliqué et sérieux. Il va se battre contre le Habsbourg, l'Angleterre, avec l'enjeu de la petite Marie Stuart.
Enjeu, elle le sera tout le long de sa vie! Le roi de France expédie une escadre délivrer la régente d'Ecosse et sa fille des rebelles écossais et ramener ces dames en France. Une fois en sécurité, elles assisteront à deux mariages importants pour le devenir du royaume : le premier, fastueux, d'un Lorraine avec la fille de Renée de France, duchesse de Ferrare, et le second, moins pompeux certes, mais plus important pour l'avenir, celui de Jeanne d'Albret et d'Antoine de Bourbon descendant de saint Louis.
Du premier mariage, naîtra Henri de Guise qui descend donc de Louis XII et de Lucrèce Borgia (!).
Du second, Henri IV, roi de France (1553 - 1589 - 1610)

Henri II va, à présent, montrer à tous la force de l'amour, en donnant à Madame de Brézé le titre de duchesse du Valentinois... Enorme privilège, en général réservé aux princes du sang ou étrangers. Mais, Diane a droit à toutes les gloires et honneurs : elle reçoit, à Lyon, un accueil personnalisé qui éclipse encore une fois la pauvre reine Catherine! Pour la réconforter, Diane décide de lui accorder une grâce, peu accordée aux reines de notre pays et dont Marie de Médicis devait profiter plus tard, le couronnement.
Au cours de la cérémonie, la très lourde couronne fut déposée... aux pieds de la favorite, sous sa garde en quelque sorte. Quelle outrecuidance!

Désirant sans doute rentrer dans les bonnes grâces divines (ironie tragique!), la duchesse de Valentinois redouble d'intransigeance et de cruauté envers les réformés. Des bûchers s'allument... on ne peut nier malheureusement l'influence néfaste de Diane sur le roi en ces moments terribles. Cette influence, Montmorency s'en inquiète et tente de séparer Henri de la favorite en le jetant dans les bras d'une belle écossaise.
Le connétable perdra sa place (il a la chance de ne pas y laisser sa tête!), et la belle enfant sera envoyée en exil!

Le temps est à la guerre, la cinquième entre la France et le Habsbourg. Le roi Henri soutient les princes luthériens contre le César. On retrouve toutes les ficelles de la politique : à l'intérieur, on essaie d'exterminer ceux de la religion, à l'étranger, on soutient leurs princes...
Pendant son absence, la régence ira à Catherine mais... à égalité avec un fidèle de Diane!
Lors, la reine, après une maladie durant laquelle elle sera soignée évidemment par la sénéchale, tentera de prendre quelques initiatives. Premiers pas en politique, hésitants bien sûr, mais premiers pas quand même, vite arrêtés par une duchesse de Valentinois, très mécontente.

La trêve de Vaucelles nous laisse les Trois Evêchés, la Savoie, le Piémont, des places en Toscane. Mais Henri II, traité de félon par le pape, poursuivi par les pleurs de son épouse, ballotté, doit se rendre à l'appel du souverain pontife et, en 1557, la France entre en guerre contre l'Espagne, puis, en Juin, contre l'Angleterre. La France confisque les états d'un prince de Savoie, Emmanuel Philibert qui, allié à Philippe II, va entraîner le roi d'Espagne sur les bords vertigineux de la monarchie universelle du fait de la défaite écrasante subie par la France, défaite qui laisse Henri II, pantelant! Même la divine maîtresse ne lui est d'aucun secours! C'est alors que, abandonnant ses cottes de Cendrillon, apparaît une reine remplie d'audace et d'autorité qui ne craint pas d'aller trouver les bourgeois de Paris, les supplie de lui donner l'argent nécessaire à la formation d'une nouvelle armée. Catherine réussit pleinement son ambassade mais, lorsque le roi reprend en main les affaires de son royaume, il ne pense qu'à celle en qui sa foi reste entière : la duchesse de Valentinois.

A l'horizon de cette femme, se dresse à présent une jeune fille de quinze ans qui est dauphine de France, Marie Stuart.
Marie est reine d'Ecosse, mais, ne l'oublions pas, nièce des Guise par sa mère. Nous sommes en 1558 et les Guise sont à l'honneur, car un héros vient de se lever et redonner espoir à tout le royaume: François de Guise vient de reprendre aux Anglais, la place symbolique de Calais, dernier bastion de l'Angleterre en notre pays!
Guise est également le chef de la Ligue Catholique, soutenu par Diane de Poitiers toujours en guerre contre la religion réformée... ces protestants qui osent s'aventurer dans la rue ayant à leur tête Antoine de Bourbon, premier prince du sang!

Le roi de France est un pauvre homme tiraillé entre les conseillers de Diane, les uns voulant la guerre, les autres pas. Mais tous désirent et la faveur royale et le pouvoir. Des sentiments qui sont ceux de bien des humains, hélas!
Enfin, Henri II se décide pour la paix, poussé, évidemment, par la favorite. Il allume ainsi les guerres de palais entre la reine et Diane qui se fait traîner dans la boue et traiter d'un nom bien mérité par Catherine. Furieux, le roi se rapprochera davantage de sa maîtresse.

La guerre civile couve sous la cendre, entretenue par des protagonistes puissants, le connétable de Montmorency et les Guise. Les négociations franco-espagnoles reprennent et Philippe II déçu de n'avoir pu obtenir la main d'Elizabeth d'Angleterre , consent à convoler avec la fille aînée d'Henri et Catherine, une autre Elisabeth, mais à quel prix!
La France cède Thionville, Bouillon, la Corse, le Montferrat, le Milanais, Sienne, la Savoie, Nice, la Bresse, le Piémont. C'est le traité de Cateau-Cambrésis, traité admiré par les uns, honni par les autres... c'est selon!
La France, certes, a perdu ces provinces, mais a gardé Calais, Metz, Toul et Verdun, l'autonomie de la Lorraine et de l'Alsace.
Ce traité ouvrit une polémique entre les historiens qui dure toujours... paraît-il! Il s'agit, en fait, d'une sorte d'accord entre le Très Chrétien et le Catholique contre... la Réforme.

Pour le moment, le roi et le royaume se réjouissent ou en ont l'air. Le pays se couvre de palais qui vont marquer le siècle, l'Art (avec un grand A) est partout, des artistes merveilleux surgissent.
Foison de talents qui auraient dû être l'apanage de François Ier et non du triste sire qu'est Henri qui cache derrière des Ronsard, Philibert de l'Orme, Jean Goujon, Clouet, Ambroise Paré, la misère du royaume. Il faut reconnaître, dans ces transports artistiques, la part importante de Madame de Valentinois. Elle sera d'ailleurs saluée pour sa beauté indestructible et mythologique lors de fêtes somptueuses organisées à l'occasion du double mariage d'Elisabeth de Valois épousant Philippe II d'Espagne, et celui de Marguerite, soeur d'Henri II, avec le duc de Savoie. Le roi ne sait pas que ses heures sont comptées, sinon il n'aurait peut-être pas déchaîner les tribunaux et les hommes de l'Inquisition espagnole!
Une haine qui va s'éteindre un court instant lors des fameuses joutes que tout le monde attend avec impatience. En effet, le roi, en personne, doit lutter contre Guise et terminer par Montgomery, capitaine de la garde écossaise.

Livide et vêtue d'une robe violette, Catherine tremble dans la loge royale. Elle a fait porter au roi des messages le suppliant de ne pas participer à ce jeu cruel.
- J'ai eu, dit-elle, un songe prémonitoire...
Peine perdue, la cour assiste, terrassée, à l'assaut de Montgomery, et voit sa lance brisée pénétrer la visière du roi et transpercer l'œil et la tempe d'Henri II...
Le roi survivra dix jours, puis disparaîtra de la vie de Diane après vingt-neuf ans de vie commune!
Qu'a-t-elle enduré, pensé durant ces dix jours où la vie de son royal amant est restée suspendue à un fil? Ces quelques jours durant lesquels elle a été rappelée de ces hauteurs vertigineuses où l'avait hissée l'amour d'Henri?
Le dix juillet, tout est consommé, le roi est mort, elle doit rendre les joyaux de la couronne, et paraît se soumettre à la reine douairière.
Catherine, désespérée, porte le deuil en noir, alors que la coutume royale préconise la couleur blanche et s'occupe aussitôt du cas Diane de Poitiers.

L'humilier, elle veut l'humilier... et la reine pense avoir trouvé la meilleure vengeance!
Diane sera exilée dans ses terres avec interdiction de reparaître à la cour. Elle pourra jouir de son immense fortune (?). La reine récupère toutefois le château de Chenonceau si cher à son coeur!

Il faut noter que Madame de Valentinois n'a pas été traitée d'aussi terrible manière que la pauvre petite duchesse d'Etampes! Cela signifie-t-il que la grande sénéchale est encore redoutable?
Elle va l'être, en effet, lorsque des redresseurs de tort feront mine de s'attaquer à se biens, à sa fortune. Diane attisera le feu de la guerre civile et religieuse, cette guerre que la reine Catherine tente d'éviter, mais en vain!
Diane de Poitiers qui a, toute sa vie, bouleversé celles des autres, afin de hisser la sienne tout en haut de l'échelle, disparaît le 25 avril 1566 à l'âge de soixante-six ans, laissant à sa descendance de fabuleuses richesses. Elle avait accumulé, en douze ans, écrit un de ses biographes, vingt fois plus que les aïeux de son père, de son époux, durant des siècles...

A sa mort, Brantôme pourra s'écrier :
- Quelle dommage que la terre couvre un si beau corps !
Il l'a vue six mois avant sa mort et est resté sous le charme!
La Belle des Belles transmettra son sang à la Maison de France, le roi Louis XV (1710 -1715 -1774).
Il faut essayer d'oublier ses turpitudes, son orgueil, sa rapacité sans frein, son intolérance, sa méchanceté! Une longue liste à gommer, semble-t-il!
Il faut la laisser entrer dans la légende de ces déesses indestructibles, modèles superbes d'oeuvres encore plus belles. lI faut laisser la vie à la Diane enlaçant son grand cerf!